mercredi 11 mai 2016

Jour 10 – Le combat de tes rêves ?

Assurément, ce serait Turok vs Predator. Par un hasard étrange (et un truchement de mon imaginaire), il s'avère que ce combat a déjà eu lieu, ou du moins que la manière dont je l'imagine a déjà une forme.
En 1996, Walt Simonson et Lee Weeks livraient un certain Tarzan versus Predator: At the Earth's Core. Sans compter qu'elle est contemporaine de la version post-vidéoludie de Turok qui me fascinait tant, cette aventure épique et totalement folle représente, transposée dans la géographie burroughsienne, tout ce que je rêverais d'avoir dans une lutte à mort entre l'indien chasseur de dinos et l'alien chasseur de xenos.

Tout.


L'apparition d'une telle bédé à un tel moment se fait presque naturellement, en plus. Les années 90 furent une période assez étrange des comics (j'aurai assurément l'occasion d'y revenir en détail lors de ce questionnaire), où le gimmick régnait en maître. Et outre les couvertures variantes, la star du gimmick bédéphile nord-américain, c'est le crossover. En 1996, Tarzan et le Predator appartenaient tout deux à Dark Horse, avaient leurs petits succès dans leurs coins, et la jungle étant leurs milieux naturels, les réunir coulait pour ainsi dire de source. Son succès engagea même l'éditeur sur le chemin de deux autres crossovers pour le Seigneur de la Jungle, bien plus ambitieux, puisque réalisés en partenariat avec DC Comics (et impliquant les inévitables Batman et Superman).

Si la majeure partie de la production extra-terrestre chez Dark Horse consistait à se faire se taper Aliens et Predators dans une mythologie qui restait encore à inventer, pour Tarzan, l'éditeur, tout en présentant des histoires 100% originales, avait axé sa communication sur une grande fidélité à la continuation burroughsienne, là où les précédentes adaptations séquentielles s'en foutaient éperdument. Le héros des strip n'avait qu'un lointain lien avec le personnage des romans, le Seigneur de la Jungle de Joe Kubert volait solo, et Marvel avait certes réintégré Jane mais réinventait en parallèle un tas de petits trucs qui en faisaient une personnage bien plus ancré dans l'univers de Captain America et Spider-Man. En fait, chaque éditeur avait choisi d'imprimer sa marque sur le personnage et celle de Dark Horse serait de respecter au maximum les univers d'ERB... et de les exploser  à la dynamite créative de l'époque.
Parce que bien sûr, des "histoires 100% originales" dans le contexte bariolé des 90's impliquent forcément leur lot de délicates intentions. Tarzan vs Predator fait ainsi plus qu'honneur à son titre, présentant un scénario violent, rythmé, brutal et décousu. Forte en action mais bourrée de personnages et de sous-intrigues, cette bédé est aussi dense que la jungle qui lui sert de cadre. On suit Tarzan courant de point en point dans une poursuite effrénée à la recherche de ses amis , chaque caillou retourné dévoilant toujours plus d'ennuis et d'ennemis, chaque épisode l'approchant d'un final en forme de carambolage. Un schéma narratif au caractère purement burroughsien (j'ai déjà eu l'occasion d'en parler) qui permet en outre de découvrir jusqu'où chaque héros serait prêt à aller pour retrouver la place qui est la sienne... Et Tarzan ne recule devant absolument rien.

Une autre chose qui rend cette bédé spécialement sauvage, c'est le trait de Weeks qui offre à l'Homme-Singe des allures conaniennes, ce que même John Buscema n'avait pas fait lors du passage du personnage chez Marvel. L'effet étouffant des décors ajoute sans mal à l'impression d'immédiat danger, le plus clair de l'action se passant entre une jungle touffue et une ville-temple aux accents précolombiens très marqués dans lesquels les personnages paraissent à l'étroit, un cadre par ailleurs tout à fait propice au seigneur des singes et aux chasseurs extra-terrestres, mais tout de même bien loin des descriptions des cités troglodytes des Mahars et de l'aride Pellucidar. Conjugué à l'aspect résolument simiesque des Sagoth et au look frazettien des personnages, on se sent en vérité bien plus proche de la cité perdue d'Opar... si ce n'était les dinosaures.
Et on en revient là au propos d'origine de cette longue description : s'il y a bien un lieu qui répond dans mon esprit à la description "Opar avec des dinosaures", c'est les Lost Lands. Quand je vous dis que tout dans cette bédé se prête à en faire le Turok vs Predator de mes rêves... Il ne manque en vérité que Turok. Pas que la présence de Tarzan me gène le moins du monde, cependant, je pense que ce que je présente de cette mini-série ne laisse aucun doute quant au plaisir que j'ai à la lire, d'autant que le lot de personnages connus et l'épaisse continuité pellucidienne qu'elle propose satisfait au plus haut point l'amateur des lieux que je suis.

Et puis bon, comme cette rencontre relève principalement de ma propre fantaisie, il y a évidemment des choses que j'aurais pensé différemment. J'y aurais probablement activement associé Joshua Fireseed et Tal'Set plutôt que de laisser Tarzan courir seul aux trousses de Jane, Innes et Mugambi, mis des fusil lasers dans les mains des natives et coiffé quelques T-Rex de canons dinosoïdes, mais dans l'idée, de la manipulation des Mahars à la furtivité des Predators, il y a dans cette histoire exactement ce que j'aurais voulu voir de l'arrivée des vilains chasseurs de l'espace dans la géopolitique houleuse des Lost Lands : un conflit larvé entre deux opposants séculaires qui s'envenime soudain quand l'apparition d'une troisième force pousse les deux autres à l'assaut frontal.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire